LED ZEPPELIN - PHYSICAL GRAFFITI : 1975 (Pressage UK original)
La Puissance Et La Gloire
J’ai toujours considéré Physical Graffiti, et ce depuis sa sortie en février 75, comme étant le plus grand disque de Rock jamais enregistré.
Après ça, plus rien ne pouvait être comme avant.
Je l’écoute depuis plus de 40 ans et je ne m’en lasse jamais. Le niveau atteint par les 4 membres deLed Zeppelin sur cet album dépasse tout ce que j’ai pu écouter avant et après la parution de ce joyau.
Led Zeppelin pouvait-il faire mieux ensuite ? Tout leur savoir faire est dans ce double album. Le son est démoniaque et d’une puissance inouïe.
Ce disque est définitivement MONSTRUEUX !
Après la tournée Houses Of The Holy en 73 et les concerts fantastiques aux USA, les membres du groupe prennent de longues vacances.
De son côté, Jimmy Page se consacre à la fondation de Swan Song, la maison de disque de Led Zeppelin, sur laquelle vont bientôt signer Bad Company, Maggie Bell, Dave Edmunds et lesPretty Things. On installe les nouveaux bureaux à King’s Road et Peter Grant, leur manager, prend encore plus d’importance.
Pourtant, il est temps de se remettre au travail et le groupe se réunit tantôt à Headley Grange, tantôt à l’Olympic Studio à Londres pour enregistrer ce qui va devenir non seulement l’album quintessentiel du groupe, mais aussi le plus phénoménal double album de Rock jamais paru.
De ces sessions de 74, le groupe accouche de 8 nouveaux titres faramineux, aussi divers les uns que les autres, tous terriblement inspirés et surtout magistralement interprétés par des musiciens alors au sommet de leur art.
Jamais Led Zeppelin n’a atteint un tel niveau.
Avec des titres comme Custard Pie, In My Time Of Dying avec son orgie de slides soutenue par un beat infernal de Bonham, Trampled under Foot inspiré du fameux Superstition de Stevie Wonder mais joué à 1000 à l’heure, Kashmir avec ses parties obsessionnelles de Mellotron jouées par John Paul Jones – remplaçant à lui seul tout un orchestre symphonique -, In The Light et ses sonorités indiennes, Ten Years Gone avec ses strates de guitares acoustiques superposées, The Wanton Song et enfin Sick Again au Rock primal, Led Zep a assez de matériel pour sortir un disque totalement révolutionnaire et repartir ensuite en tournée à travers tous les USA, aplatissant ainsi toute la concurrence.
Malgré l’apport de ces nouveaux morceaux, qui constituent déjà les dignes successeurs de ceux de Houses Of The Holy, le groupe a dans l’idée un projet beaucoup plus ambitieux : sortir un double album studio.
Tous les grands noms de l’époque s’y sont collé. Dylan avec Blonde on Blonde, les Beatles avec le double blanc, Hendrix avec Electric Ladyland et les Stones avec Exile On Main Street. Tous ces albums ont marqué l’histoire et Led Zeppelin ne veut pas être en reste.
Ils ont, dans leurs archives, pas mal de morceaux inédits et datant des enregistrements de leurs 5 premiers albums.
Jimmy et Robert ont alors l’idée de retravailler ces titres et de les inclure sur le futur double album baptisé Physical Graffiti. La difficulté majeure d’un tel projet, avec un mélange de titres enregistrés à des moments et dans des studios différents, est de les faire sonner comme s’ils faisaient partie des mêmes sessions que ceux enregistrées à Headley Grange en 74.
Ainsi donc,7 anciens titres refont surface et viennent s’ajouter à la liste des 8 nouveaux.
Bron-Yr-Aur, délicieux interlude montrant les aptitudes de Page à la guitare acoustique, et le très fluide Down By The Seaside datent des sessions de Led Zep 3.
On regrettera pourtant que The Swan Song, petite merveille acoustique, n’ait pas été retenue.
Night Flight, sur lequel Plant excelle, et l’irrésistible Boogie With Stu (Stu étant le surnom donné au pianiste des Stones, Ian Stewart) n’ont pas été inclus dans Led Zep 4, l’album sans nom de 71.
Houses Of The Holy, Black Country Woman et surtout The Rover ont été écrits pour l’albumHouses Of The Holy, avant d’être écartés à cause de la durée maximum d’un 33 tours. En fait, si on veut qu’un 33 tours sonne bien, il ne faut pas dépasser 40 minutes, 36 minutes étant la durée idéale (dixit Lou Reed).
The Rover est un titre absolument essentiel, un de leurs tous meilleurs, avec un solo de Page en milieu de morceau, mûri et préparé par la frappe métronome de Bonham à la batterie. On sent que ce solo va surgir. On l’attend avec impatience mais à chaque fois qu’il arrive, on se prend une claque monumentale, comme si c’était la toute première fois. Il ne dure que 30 secondes, mais ce solo doit figurer dans les anales du Rock, au même titre que celui de J.Geils sur Stoop Down#39(écoutez ça mes petits amis 😉 ).
Je n’ai toujours pas compris aujourd’hui pourquoi The Rover et Houses Of The Holy avaient été écartés du 5ème album, au profit de The Ocean et The Crunge. De bons titres certes, mais très loin du niveau de ces deux-là.
The Rover est la preuve flagrante de la puissance et de la domination de Led Zeppelin sur le Rock des années 70. Plus rien jamais n’égalera ce titre !
Et puis, il y a le mystère de la durée de Kashmir, annoncé sur toutes les versions de vinyles comme durant 9 minutes et 41 secondes, alors qu’en fait, le morceau ne dure que 8 minutes 30. Pourquoi ce mystère n’a-t-il jamais été corrigé ? Personnellement, je n’ai jamais cru à une simple erreur de photogravure. On se prend à rêver qu’il existe peut-être, quelque part dans les archives de Swan Song, une version de Kashmir qui dure effectivement 9’41 ». Je n’ai jamais lu aucune explication à ce sujet et pourtant, connaissant Jimmy Page, il doit y en avoir une. Ce n’est qu’en 1987, lors de sa 1ère réédition CD, que Kashmir sera crédité de sa véritable durée. Je me revois encore à l’époque en train de chronométrer Kashmir, me doutant bien que le titre ne durait pas 10mn.
Led Zeppelin tient donc son double album studio. Hélas, une fois encore, sa sortie est retardée par d’interminables problèmes de pochette, le groupe s’étant lancé avec les designers d’Hipgnosisdans un projet pharaonique d’une rare complexité. Le « die-cutting » de la pochette principale a en effet du mal à se caler sur les multiples photos interchangeables des pochettes intérieures. Ces photos où le groupe apparaît ont été prises lors d’une soirée privée inaugurale du label Swan Song, au cours de laquelle tous les membres du groupe s’étaient travestis.
Le résultat est finalement au rendez-vous. Plus tard, en 78, les Stones reprendront l’idée de cette pochette à fenêtre pour leur album Some Girls.
Encore aujourd’hui, lorsque je rentre dans un magasin de disques d’occasion et que je vois Physical Graffiti posé dans la devanture, je suis toujours sous le charme. Je me souviens de mon achat de ce disque en 75 et tous les bons moments qu’il m’a apportés. Et, à chaque fois, je suis tenté de le racheter.
Depuis, j’ai complété ma collection de Physical Graffiti avec des originaux UK et US.
La tournée
Le double album est commercialisé le 24 février 75, alors que le groupe est déjà en tournée aux Etats-Unis depuis le 14 janvier, après avoir rodé des morceaux choisis lors de 2 concerts un peu bâclés donnés à Rotterdam et Bruxelles.
Le retard de la sortie de Physical Graffiti pose d’ailleurs un énorme problème aux organisateurs de concerts, car les titres interprétés, n’étant pas connus du public, ont évidemment un impact moins important. Or, des morceaux comme Kashmir, In My Time Of Dying – 2 monuments – ouSick Again et Trampled Under Foot avec son groove infernal, sont totalement inconnus des fans au début de la tournée.
Tournée qui d’ailleurs commence bien mal : on est en plein hiver et cette année, il est particulièrement glacial aux USA.
Rober Plant tombe malade dès le 1er jour, un gros rhume puis une grippe. Sa voix est totalement cassée et il est alors forcé de chanter 2 octaves en dessous de d’habitude, ce qui est très pénalisant pour certains titres. En plus, Jimmy Page s’est fait mal à la main. Il ne peut jouer qu’avec 3 doigts et sous médicaments (en général, une bonne dose de Whisky).
Tous ces événements fâcheux handicapent fortement le 1er mois de la tournée et les prestations ne sont, bien sûr, pas à la hauteur de celles de la précédente. La fantastique tournée de 73.
Il y a également des incidents graves qui se passent, comme celui de ce jeune fan roué de coups au pied de la scène du Spectrum à Philadelphie par 2 roadies totalement déchaînés. Plant et Page assistant à la scène totalement impuissants décident de stopper net le concert au milieu deStairway, avant d’interpeller les 2 fous furieux. Robert, totalement hors de lui, assène alors à l’aide de son pied de micro un coup d’une rare violence, qui blesse à la tête un des 2 roadies en question. Après le retour au calme, le groupe reprend la chanson depuis le début.
Mais Led Zeppelin gardera en mémoire cet incident malheureux et ne rejouera jamais à Philadelphie.
Un autre incident majeur se produit au début de la tournée. John Bonham, totalement ivre – surnommé la « bête » dès lors qu’il est en tournée – tente de violer une hôtesse de l’air lors d’un vol de transit entre 2 concerts. Richard Cole, le Tour Manager du groupe, ainsi que Peter Grant, arrangent l’affaire afin que l’hôtesse, heureusement grande fan du groupe, ne porte pas plainte.
La tournée, qui dure plus de 3 mois, commence à s’améliorer à partir de mi-février et le concert du 12 au Madison Square Garden reste un des tous meilleurs du groupe. On peut en juger facilement, puisque tous ces concerts sont maintenant disponibles sur internet, bien souvent avec une qualité de son surprenante.
Après quelques jours de repos, le groupe reprend sa route vers le sud. Baton Rouge, St Louis, Nlle Orléans et, entre temps, Physical Graffiti est enfin dans les bacs.
L’album, déjà disque platine sur ses seules pré-commandes, devient N°1 partout dans le monde. Il reste 10 semaines en tête des Charts aux USA.
A partir de cet instant, la tournée prend des allures de triomphe et Kashmir, le morceau de résistance de Physical Graffiti, commence à détrôner Stairway To Heaven dans le coeur des jeunes fans. Le groupe joue alors de mieux en mieux et la fin de la tournée en Californie est magique, avec pour témoignage les fameux concerts donnés au L.A. Forum à Inglewood. Chaque soir, devant 20.000 fans en furie, une célébrité est invitée à lancer le concert. Le dernier soir, c’est Linda Lovelace, une Porn Star, qui présente le groupe. Les Bootlegs de ces 3 concerts porteront le titre évocateur de Deep Throat 1, 2 et 3.
Lors d’un de ces concerts, Plant intègre le fabuleux Spanish Roses au beau milieu de Dazed And Confused ; ce sera la seule fois.
C’est pendant la tournée que Led Zeppelin fait pour la 1ère fois la une de la revue Rolling Stone, grâce au jeune journaliste Cameron Crowe qui réussit à faire ouvrir les yeux et les oreilles aux membres de sa rédaction en faveur du groupe. Ces derniers ayant été plutôt virulents auparavant, puisque tous les albums du groupe ont été proprement massacrés dans le magazine.
A la fin de cette tournée orgiaque, on décide de donner fin mai 5 concerts à Earl’s Court à Londres, afin de satisfaire les fans anglais. Ces 5 concerts sont absolument magnifiques. En plus de la setlist interprétée en Amérique, le groupe ajoute un long Set acoustique au cours duquel il joue admirablement Going To California, Tangerine, That’s The Way et Bron-Yr-Aur. Les 5 concerts sont un immense succès et permettent à Led Zep de reconquérir son fidèle public anglais.
La suite, hélas, est beaucoup plus douloureuse.
Alors qu’ils passent ses vacances sur l’île de Rhodes, Robert Plant et sa femme Maureen ont un très grave accident de voiture. Rapidement rapatriés en Angleterre, Plant en sort quasi infirme et doit patienter plus d’un an avant de récupérer la plénitude de sa jambe.
Toutes les tournées prévues, que ce soit en Europe, aux USA à nouveau ou en Australie, sont annulées.
Pendant la longue convalescence de son chanteur, Jimmy Page se lance dans le projet Presence, initialement baptisé Obelisk. L’album, enregistré en 18 jours au studio de Munich, sera le plus violent depuis Led Zep 2. Et son titre majeur, Nobody’s Fault But Mine, montre encore l’avance du groupe sur ses concurrents.
Ce n’est qu’en avril 77 que Led Zeppelin reprendra la route, mais cette longue interruption a largement entamé la créativité et l’énergie du groupe.